12
Une statue aux yeux de lavande

 

 

— Moins de bruit, gros lourdauds ! gronda Gayselle à mi-voix tandis que l’esquif approchait les illuminations du port d’Eauprofonde. Je veux qu’on aborde discrètement…

Les trois rameurs, des demi-ogres à qui leurs muscles massifs interdisaient toute manœuvre subtile, grommelèrent entre eux mais firent de leur mieux – sans succès – pour atténuer le son de leurs avirons. Gayselle subit stoïquement le fracas : ils faisaient preuve de la meilleure volonté possible ! En tout cas, elle attendait avec impatience d’en avoir fini et de ne plus avoir à supporter la présence de ces imbéciles dont elle ne connaissait même pas les noms. Elle les avait surnommés à part elle Bossu, Bougon et Bêta.

À l’avant de la barque, Gayselle tâchait de repérer des points remarquables du rivage. Ces dernières années, elle avait abordé à Eauprofonde en d’innombrables occasions : l’endroit lui était familier. Pour l’heure, elle tenait absolument à éviter les quais les plus longs, là où s’amarraient les gros vaisseaux, mais s’intéressait à la partie moins fréquentée et moins surveillée du port, où on pouvait acheter un mouillage provisoire moyennant quelques piécettes.

Elle nota avec soulagement qu’en cette nuit obscure peu de gardes s’aventuraient dehors. L’esquif, malgré le manque de discrétion des demi-ogres, put se glisser au milieu des quais plus petits, au sud des emplacements prestigieux.

Gayselle recula un peu, tendit à la brute la plus proche – Bougon – un petit sac contenant trois flasques.

— Buvez ça, prenez une forme humaine, commanda-t-elle. (Le monstre glissa vers elle un regard émoustillé en saisissant l’objet, et elle précisa :) Pas celle d’une femme ! Sheila Kree ne souffrirait pas de voir l’un d’entre vous prendre une seule fois une apparence féminine…

Les demi-ogres maugréèrent encore un peu, puis engloutirent chacun le contenu liquide d’un flacon, se transformant l’un après l’autre en humain mâle.

Gayselle, satisfaite, hocha la tête puis inspira profondément deux ou trois fois pour rester concentrée. Elle se représenta la suite à prévoir. Elle savait où trouver la demeure de leur cible, évidemment : non loin des quais, en haut d’une colline dominant une crique rocheuse. Ils devraient en avoir terminé au plus vite, car les potions de polymorphie ne feraient pas effet très longtemps. La femme pirate ne tenait pas du tout à traverser les rues d’Eauprofonde en compagnie d’un trio de demi-ogres démasqués !

Elle décida à ce moment que si les potions cessaient de fonctionner, si la nature de ses compagnons se révélait, elle les abandonnerait pour s’enfoncer seule dans la ville. Des amis qu’elle avait à Eauprofonde pourraient la renvoyer à Sheila Kree.

Ils amarrèrent le bateau à un petit quai isolé, près d’une bonne dizaine de barques d’aspect similaire que la marée clapotante faisait cogner doucement contre la structure. Il n’y avait personne ; Gayselle et les trois faux humains filèrent vers le nord, s’éloignant du port pour prendre les rues tortueuses qui les mèneraient à la demeure du capitaine Deudermont.

 

* * *

 

Non loin de là, Drizzt et Catti-Brie passaient la porte nord d’Eauprofonde. Le drow ne se laissait pas affecter par les regards suspicieux que presque toutes les sentinelles faisaient peser sur lui. Une ou deux, sachant qui il était, l’avaient appris à leurs collègues, mais il fallait plus que quelques paroles rassurantes pour soulager les craintes qu’éprouvaient en général les habitants de la surface devant un elfe noir.

Cela ne dérangeait pas Drizzt. Combien de fois n’avait-il pas vu jouer cette même saynète !

— On te connaît, t’en fais pas, lui chuchota Catti-Brie.

— Certains, oui.

— Suffisamment ! Tu veux quand même pas être célèbre dans le monde entier ?

Le drow gloussa, secoua la tête ; non, il ne le voulait pas !

— Je sais bien que, malgré tout ce que je pourrais accomplir dans ma vie, ces regards me suivront partout, remarqua-t-il. (Il eut un sourire sincère, un haussement d’épaules.) Je n’en souffre plus.

Catti-Brie voulut lui répondre, mais y renonça : ses paroles indignées devenaient inutiles devant l’expression désarmante de son ami. Elle avait lutté auprès de lui pendant des années pour que la société des hommes l’accepte enfin, au Valbise, à Castelmithral, à Lunargent, même ici à Eauprofonde, dans chaque ville ou hameau de la côte des Épées lorsqu’ils naviguaient avec Deudermont. La jeune femme, en ce moment de révélation, comprenait soudain que cette méfiance persistante l’ennuyait bien davantage que Drizzt ! Elle s’obligea à suivre l’exemple du drow, à laisser les regards déplaisants glisser sur elle, comme lui, de toute évidence, y parvenait (son sourire détendu ne permettait pas d’en douter).

Drizzt s’arrêta, se tourna vers les sentinelles ; les deux plus proches sursautèrent.

— L’Esprit follet de la mer est-il là ? demanda-t-il.

— L’Es-esprit de quoi ? balbutia un des soldats. Où ? Comment ?

Un garde plus expérimenté vint se placer à côté de ses collègues affolés.

— Le capitaine Deudermont n’est pas encore revenu, annonça-t-il. Mais on l’attend encore une fois au moins avant que l’hiver s’installe.

Le drow porta la main à son front en un geste de salutations et de remerciement, puis se détourna et s’éloigna avec Catti-Brie.

 

* * *

 

Delly Curtie, ce soir-là, était de bonne humeur. Elle avait l’impression que Wulfgar reviendrait bientôt avec Crocs de l’égide, qu’elle et lui pourraient enfin débuter une agréable vie commune.

… Même si elle ne savait pas trop ce qu’elle entendait par là. Retourneraient-ils à Luskan, au Coutelas, avec Arumn Gardpeck ? Elle ne le pensait pas. Non, cette quête du marteau de guerre représentait bien plus que la récupération d’une arme, elle s’en rendait compte. S’il ne s’était agi que de cela, elle aurait dissuadé son époux de l’entreprendre !

Wulfgar était parti à la recherche de ce qu’il était, de son passé et de son cœur. Quand il les aurait trouvés, pensait Delly, il connaîtrait également le chemin de son foyer – le vrai –, le Valbise.

— On le suivra là-bas ! assura-t-elle à Colson qu’elle tenait à bout de bras.

L’idée d’aller au Valbise plaisait beaucoup à Delly. Elle savait la région rude, battue de neige et de vent, fourmillante de gobelins, de yetis, de divers périls. Mais pour une femme qui avait grandi dans les rues sordides de Luskan, le nom évoquait une certaine propreté, honnêteté… une pureté nouvelle. Et puis elle serait près de l’homme qu’elle aimait davantage chaque jour ! Quand Wulfgar serait pleinement lui-même, leur relation s’en trouverait encore plus profonde.

Delly se mit à chanter, à danser avec grâce dans la pièce avec Colson, tournoyant, glissant deçà, delà.

— Ton papa sera bientôt à la maison, promit-elle à sa fille qui rit comme si elle avait tout compris.

Delly dansait.

Le monde entier s’ouvrait à elle dans sa beauté, ses possibilités.

 

* * *

 

La demeure du capitaine Deudermont était presque un palais, même selon les critères d’excellence aquafondiens, avec son somptueux étage et sa bonne dizaine de pièces. Un grand escalier d’apparat dominait l’entrée au haut plafond en dôme, où donnait une immense porte à double battant, chacun montrant, sculptée, une moitié de trois-mâts goélette. Une fois les huis fermés, on reconnaissait tout de suite l’Esprit follet de la mer. À l’arrière de l’étage, un autre escalier aboutissait en bas à la salle des cartes qui surplombait la crique rocheuse, la mer.

On se trouvait à Eauprofonde, Cité des Splendeurs, un lieu où régnait la loi. Toutefois, malgré les nombreuses patrouilles de la garde aquafondienne réputée arpentant les rues, malgré l’honnêteté de l’ensemble de la population, la plupart des demeures les plus riches avaient leur protection personnelle. Celle de Deudermont ne faisait pas exception.

Le capitaine avait engagé deux anciens marins et soldats qui avaient, bien des années auparavant, servi à bord de l’Esprit follet de la mer. Il s’agissait d’amis plus que d’employés, d’invités autant que de sentinelles. Ils prenaient leur travail au sérieux, mais la tranquillité générale avait forcément entraîné un certain relâchement : chaque jour se déroulait sans incident. Les hommes s’employaient donc à tenir la maison, aidaient Delly à réparer le toit quand un vent fort en avait arraché des tuiles, ou à peindre les bardeaux qui en avaient constamment besoin. Ils faisaient la cuisine, le ménage, tantôt avaient leurs armes sur eux et tantôt non, car ils se rendaient bien compte – tout comme Deudermont – que leur présence était pour l’essentiel dissuasive. Les voleurs d’Eauprofonde évitaient les propriétés connues pour posséder des gardes.

Ainsi les malheureux n’étaient-ils en rien préparés au désastre qui devait frapper en cette sinistre nuit la demeure du capitaine !

Gayselle fut la première à la porte, avec une des brutes qui, grâce à la potion de polymorphie, avait pris des traits étonnamment semblables à ceux de Deudermont. Il avait si bien imité son modèle que la femme pirate se demanda si elle n’avait pas été injuste en le baptisant Bêta. Après un regard alentour pour s’assurer que la rue était déserte, elle fit signe de la tête à Bossu au bout de l’allée, entre les arbres qui faisaient haie. Le monstre, un mauvais sourire sur la figure, entreprit de frotter ses pieds sur le sol pour se préparer à l’assaut.

Elle frappa à l’huis, un des battants s’entrouvrit, de quelques centimètres ; il comportait – Gayselle s’y attendait –, une chaîne de sûreté. Derrière se tenait un homme de haute taille, rasé de près, les cheveux noirs, un front si ridé qu’on avait l’impression qu’il aurait pu se déployer en visière pour protéger les yeux du grand soleil de midi.

— En quoi puis-je vous aider ? demanda-t-il.

Il se tut, très étonné de voir derrière la femme un homme qui ressemblait beaucoup à Deudermont.

— J’ai avec moi le frère du capitaine Deudermont, affirma Gayselle. Il souhaite parler à son parent perdu de vue depuis fort longtemps.

Les yeux du garde s’écarquillèrent un instant, puis il redevint très professionnel, inflexible.

— Belle soirée, fit-il, mais je crains que votre frère ne soit pas à Eauprofonde en ce moment. Dites-moi où vous logez, je l’informerai dès son retour.

— Nous n’avons guère d’argent, répliqua la femme pirate du tac au tac, nous avons longtemps voyagé. Nous espérions pouvoir nous reposer ici…

Le soldat réfléchit un instant, puis secoua la tête. Il avait des ordres très stricts et, même si la situation paraissait exceptionnelle, il ne pouvait les enfreindre, surtout quand une femme et son enfant séjournaient dans la maison. Il voulut expliquer qu’il était désolé, mais que les voyageurs devraient pouvoir trouver une chambre à un prix raisonnable dans une des nombreuses auberges en ville.

Gayselle n’écoutait pas. Elle jeta un coup d’œil au demi-ogre impatient qui attendait au bout de l’allée, puis lui accorda un petit hochement de tête qui déclencha la charge de la brute.

— Dans ce cas, peut-être voudrez-vous bien ouvrir la porte pour mon autre compagnon, fit la femme d’un ton charmant.

Le garde secoua encore la tête.

— Je ne crois…

Ses mots comme sa respiration furent coupés quand le demi-ogre, lancé à pleine vitesse, heurta l’huis, fit voler le bois, arracha la chaîne de sûreté. L’homme fut projeté sur le sol, l’attaquant trébucha après le choc, atterrit sur lui.

Gayselle et le faux Deudermont entrèrent, dégainant leurs armes. Le demi-ogre renonça d’une pensée à son camouflage pour apparaître sous son véritable aspect.

Le soldat à terre voulut appeler en même temps qu’il s’efforçait de se dégager du poids de la brute sur lui. Gayselle était déjà là, dague en main : d’un mouvement vif, assuré, elle lui ouvrit la gorge.

Le second garde entra par le côté du hall. Une expression de pure horreur se peignit sur son visage, et il se précipita vers l’escalier.

Le poignard de Gayselle, habilement projeté, lui trancha le jarret. Il s’obstina à avancer en boitant, cria pour donner l’alerte. Bêta le rattrapa et, avec une force effroyable, l’arracha aux marches, l’envoyant voler jusqu’en bas où attendait l’autre demi-ogre.

Bougon entra alors. Il avait toujours sa forme humaine. Il ferma calmement la porte dont un des battants resta de biais sur ses gonds gauchis.

 

* * *

 

Delly entendit le désordre en bas, et cessa de chanter. Elle avait grandi entourée de ruffians, avait vu ou avait été impliquée dans d’innombrables bagarres… elle comprit tout de suite qu’il se passait quelque chose de grave.

— Par les dieux ! dit-elle à mi-voix.

Elle ravala un gémissement qui aurait pu les trahir, elle et Colson, cala sa fille contre elle et courut vers la porte. Elle l’entrouvrit, jeta un coup d’œil dans le couloir, écarta en grand le battant, puis prit le temps d’ôter d’un mouvement du pied ses chaussures à talons (elles auraient fait trop de bruit) avant de longer en silence le passage entre le mur et la balustrade donnant sur le grand hall. Elle restait le plus près possible de la paroi pour qu’on ne la voie pas d’en bas, là où, lui indiquaient grognements et bruits de coups, se tenaient les intrus. Seule, elle n’aurait pas hésité à dévaler les marches pour se joindre au combat, mais, avec Colson dans les bras, elle devait d’abord penser à la sécurité de son enfant.

Après l’escalier d’apparat, Delly prit un couloir sur le côté et le suivit au pas de course, traversa la suite réservée à Deudermont pour atteindre les marches à l’arrière, qu’elle descendit en retenant son souffle. Elle n’avait aucun moyen de savoir si d’autres assaillants ne se trouvaient pas ailleurs dans la maison, peut-être juste en dessous d’elle.

Elle entendit du bruit à l’étage ; ses choix se réduisaient. Elle passa très vite la porte qui donnait dans la belle salle des cartes. Le vent glacé entrait par une fenêtre grande ouverte au fond de la pièce, faisant voleter un rideau sous son attache.

Delly réfléchit. La fenêtre ouvrait directement sur la falaise, une paroi rocheuse verticale jusqu’à la crique. Elle se maudit d’avoir abandonné ses chaussures, mais savait bien, au fond, que les garder n’aurait pas changé grand-chose : le trajet vers le bas était trop difficile, les pierres traîtresses (les intrus n’étaient sûrement pas venus par là), elle n’oserait jamais l’entreprendre avec Colson dans les bras.

Où aller ?

Elle se tourna vers l’autre porte de la pièce, la plus importante, qui donnait sur un couloir menant au hall. Ce couloir permettait également d’accéder à plusieurs pièces, dont la cuisine équipée d’un grand vide-ordures. Colson et elle pourraient se cacher là-dedans ! Delly se précipita vers cette issue, entrouvrit l’huis pour le refermer tout de suite. Deux silhouettes menaçantes approchaient. Elle bloqua la porte avec la barre prévue pour, entendit des pas rapides résonner, puis un énorme craquement : quelqu’un se jetait sur l’obstacle.

Delly regarda tout autour d’elle, vers l’escalier, la fenêtre… Elle ne voyait pas par où s’enfuir ! Dans son affolement, elle ne remarqua pas qu’on entrait dans la pièce.

La porte fut de nouveau heurtée, craqua. Quelqu’un de très fort cognait le bois. La jeune femme recula.

Elle entendit alors d’autres pas de course ! Un nouvel assaillant se jeta lui aussi contre l’huis qui éclata. Une silhouette massive s’abattit sur la pile de bois désormais bon à brûler, et une femme entra, flanquée d’un intrus… d’un deuxième, car celui qui avait fait céder la porte se relevait. Ces deux brutes étaient les plus laides et les plus énormes que Delly Curtie ait jamais vues. Elle ne savait pas de quelle espèce elles étaient, n’étant guère sortie de Luskan, mais, notant leur peau tachetée de verdâtre et leur carrure, comprit qu’il devait s’agir d’êtres apparentés aux géants.

— Eh bien, ma jolie, l’interpella la nouvelle venue avec un sourire sournois, tu ne comptais quand même pas t’en aller avant la fin de la fête ?

Delly se tourna vers l’escalier… inutile, un troisième monstre le descendait lentement, son regard salace dirigé sur elle.

La jeune femme repensa à la fenêtre derrière elle, celle où Wulfgar et elle s’étaient tenus tant de fois pour admirer le coucher du soleil ou le reflet des étoiles sur les eaux noires. Il était impossible de s’enfuir par là, mais elle envisagea sérieusement cette issue : se jeter avec Colson en bas de la falaise, éviter la souffrance, mettre fin très vite à leurs jours.

Delly Curtie connaissait bien ce genre de brigands. Elle était perdue.

La femme et les deux brutes firent un pas vers elle.

Oui, la fenêtre ! décida Delly.

Elle se tourna, courut, déterminée à bondir, à périr sur-le-champ.

Mais le troisième monstre était déjà arrivé en bas des marches ; l’hésitation de la malheureuse lui avait fermé l’issue du suicide. La brute la saisit sans effort de son énorme bras, la plaqua contre son torse massif, puis se tourna en riant vers ses deux congénères hilares. La femme, elle, ne semblait pas amusée. Elle avança délibérément vers Delly, sans la quitter des yeux.

— Tu es avec Deudermont, c’est bien ça ? demanda-t-elle.

— Non.

La réponse était sincère, mais le ton tremblant sur lequel elle était donnée ne pouvait lui accorder grand crédit.

Delly n’avait pas tant peur pour elle que pour Colson, même sachant que les prochains moments de sa propre vie (sans doute les derniers) allaient être les plus abominables.

La femme approchait toujours, souriante, effrayante.

— Deudermont, c’est ton homme ?

— Non, répéta Delly d’un ton un peu plus assuré.

L’autre la gifla violemment, faisant reculer sa victime. Une brute la poussa vers l’avant pour qu’elle soit de nouveau à portée de coups.

— L’est ben mignonne, remarqua le monstre dans un gloussement pervers. (Il serra les bras de Delly.) On joue un peu avant d’la tuer !

Les deux autres éclatèrent de rire, l’un imprimant un mouvement vulgaire à son bassin.

Delly sentit ses jambes flageoler, mais, serrant les dents, rassembla son courage. Elle avait un devoir plus important, devait dépasser l’horreur qui l’attendait !

— Disposez de moi, annonça-t-elle, et vous ne le regretterez pas, je saurai rendre ça encore meilleur… si vous ne faites pas de mal à mon bébé.

La femme plissa les yeux à ces mots ; elle n’appréciait pas que la prisonnière tente de reprendre le contrôle, si peu que ce soit.

— Vous vous amuserez plus tard, indiqua-t-elle à ses trois compagnons. (Puis, les regardant tour à tour :) Allez chercher du butin ! On ne veut pas rien rapporter à la patronne, si ?

La brute qui tenait Delly se crispa mais ne lâcha pas sa proie. Les deux autres se précipitèrent en désordre pour chercher à satisfaire les exigences de leur chef.

— Je vous en supplie ! s’exclama Delly. Je ne peux rien contre vous, je ne vous créerai pas d’ennui… ne faites pas de mal à ma petite fille. Vous êtes une femme, vous aussi…

— Ferme-la, l’interrompit sèchement l’intruse.

— On mange les deux ! cria l’espèce de géant qui avait Delly contre lui.

La réaction dédaigneuse de son chef lui donnait de l’assurance.

La femme approcha encore d’un pas, menaçante, et Delly broncha. Mais la gifle frappa la brute étonnée. Le chef des attaquants recula, regarda de nouveau la prisonnière, s’adressa à elle :

— Pour le bébé, on verra.

— Je vous en supplie !

— Pour toi c’est la fin, tu le sais. Mais, si tu nous dis où trouver le plus beau butin, on laissera peut-être la petite en vie. Et même, je pourrais la garder avec moi… (Delly s’efforça de ne pas frémir à cette idée abominable. La femme sourit de plus belle tandis qu’elle se penchait pour examiner l’enfant de plus près.) Après tout, elle ne risque pas de nous dénoncer à la garde, si ?

Delly savait qu’il était important de trouver quelque chose de positif à dire. Il lui fallait surmonter sa terreur au milieu de cette situation insensée, encourager la femme à épargner Colson ! Mais elle n’en pouvait plus : elle allait mourir, sa fille se trouvait en danger mortel, elle ne pouvait rien y faire… elle restait paralysée. Elle bafouilla, balbutia, ne put sortir un mot.

L’autre serra le poing, frappa méchamment la malheureuse, en plein dans la figure. Delly vacilla, la femme lui arracha le bébé des bras.

La jeune mère tendit les mains, elle essayait encore de prendre son enfant. La brute derrière elle posa un énorme bras contre son torse, la jetant encore plus vite à terre. Delly atterrit rudement sur le dos, et le monstre vint se placer sur elle !

Un fracas retentissant sur le côté accorda un instant de répit : tous les yeux se tournèrent vers un des géants planté au milieu d’un tas de porcelaine brisée, un service de table précieux.

— Mais trouve quelque chose qu’on pourra transporter, crétin ! glapit la femme.

Elle parcourut la pièce du regard, s’arrêta sur un des longs rideaux de belle étoffe à la fenêtre. Elle fit signe à la créature sous ses ordres de se dépêcher.

Dans un soupir écœuré, elle s’approcha du monstre sur Delly, lui donna un bon coup de pied dans les côtes.

— Tue cette salope, qu’on en finisse ! ordonna-t-elle.

La brute leva les yeux sur son chef et, une expression de défi dans les yeux, secoua la tête.

À la grande stupéfaction de la prisonnière, la femme n’insista pas et eut seulement un geste désinvolte. Delly ferma les yeux, tâcha de libérer son esprit de son enveloppe corporelle.

Le géant qui avait laissé tomber la porcelaine traversa la pièce jusqu’au rideau près de la fenêtre, l’arracha d’un seul coup. Il voulut ensuite retourner à ce qu’il restait du service de table, mais s’arrêta soudain, car en retirant le bout de tissu il avait révélé une statue étonnante ! Sculptée dans un matériau noir – pierre ou ébène –, elle représentait un elfe grandeur nature ; on l’avait revêtue d’une tenue d’aventurier. Elle se tenait les yeux clos, deux cimeterres richement ornés croisés sur sa poitrine.

— Ngh ? émit la brute. Ngh ? répéta-t-elle en tendant la main pour toucher la surface lisse devant elle.

Les yeux s’ouvrirent soudain, perçants, des orbes lavande qui figèrent le monstre. Ils semblaient clamer à sa face que, sans le moindre doute, son temps ici-bas s’achevait.

 

* * *

 

La « statue », avec une telle rapidité de mouvement que la brute abasourdie ne perçut pas grand-chose, se jeta dans l’action, les lames coupant à droite et à gauche. Le drow tourbillonnait, gagnant ainsi de la vitesse pour porter des coups encore plus puissants. Un cimeterre suivant l’autre, il ouvrit le demi-ogre stupéfait de l’épaule au bassin. En un pas, il se porta ensuite juste à côté du monstre qui s’effondrait, tourna le pommeau de l’arme dans sa main droite et plongea une lame enchantée dans le dos de la bête, lui tranchant l’échine, avant de pivoter légèrement pour lui couper les jarrets d’un mouvement précis, dévastateur, de l’autre cimeterre.

Drizzt s’écarta tandis que sa victime à l’agonie s’écroulait.

— Tu devrais la laisser, dit-il ensuite avec le plus grand calme à l’autre monstre qui, incrédule, les yeux sur l’elfe noir, n’avait pas bougé de sa position sur Delly.

La femme pirate n’avait même pas encore grommelé : « Tuez-le ! » que le troisième demi-ogre fonçait sur le drow à travers la pièce, ce qui le fit passer devant la fenêtre. À cet instant précis, une forme noire vint l’intercepter en pleine course ; des dents cruelles, des griffes acérées de fauve arrêtèrent net le trajet du monstre, le repoussant vers le centre de la pièce.

La brute se débattit dans tous les sens, mais la panthère avait trop d’armes naturelles à sa disposition, trop de force. Guenhwyvar saisit dans sa puissante mâchoire un avant-bras, puis secoua la tête, écrasant l’os et déchirant la chair. Elle ne cessait pendant ce temps d’enfoncer ses griffes dans la figure de son adversaire, trop vite pour qu’il ait une chance de la bloquer de l’autre bras. De celles au bout de ses pattes arrière musculeuses, elle lui labourait sans trêve le torse et les cuisses.

Le dernier compagnon de la femme se releva, brandit son arme, un grand sabre, et se précipita sur le drow. Il pensait couper ce gringalet en deux sans grand effort.

L’épée ne trancha que l’air quand l’elfe noir, agile, se déporta aisément sur le côté, avant de plonger Scintillante dans le ventre du demi-ogre et de s’écarter d’un pas dansant.

La brute porta la main à sa blessure, pas pour longtemps. Elle se jeta encore à l’attaque avec un coup droit.

Dans la main gauche de Drizzt, Glacemort n’eut aucun mal à repousser la lame assaillante. Drizzt se mit à côté du monstre penché en avant, et le frappa encore de Scintillante ; cette fois, la pointe du cimeterre frotta contre une côte.

Le demi-ogre rugit, pivota, portant un puissant coup de taille. Il croyait encore pouvoir couper Drizzt en deux ! Une fois de plus, la lame ne rencontra que le vide.

Le grand imbécile s’arrêta, perplexe. Il ne voyait plus l’ennemi nulle part.

— Fort… mais lent, commenta le drow dans son dos. Très mauvaise combinaison.

La brute apeurée hurla, sauta de côté, mais déjà Glacemort le frappait férocement au cou. Le demi-ogre put courir sur trois enjambées, la main sur sa plaie ouverte, avant de devoir ployer le genou, puis de tomber à terre, mourant.

Drizzt se dirigea vers lui pour l’achever, mais obliqua, puis s’arrêta net, le regard rivé à la femme adossée contre le mur à côté de la porte enfoncée. Elle avait le bébé dans ses bras, appuyait sur sa petite gorge la pointe d’une dague fine, redoutable.

— Que vient faire un elfe noir à Eauprofonde ? demanda-t-elle en s’efforçant de paraître calme, sûre d’elle. (Malgré ses efforts, elle semblait sérieusement secouée.) Si tu veux t’occuper toi-même de cette maison, je te la laisse ! Je t’assure que je n’ai pas intérêt à alerter les autorités… (Là, elle se tut, jeta un regard pénétrant à Drizzt ; un sourire lui vint, elle avait identifié le personnage.) Mais tu n’es pas venu des profondeurs souterraines comme membre d’un raid, non ! Tu naviguais avec Deudermont.

Drizzt lui accorda un hochement de tête, ne se donna pas la peine d’empêcher le dernier demi-ogre grièvement blessé de ramper vers son chef. Guenhwyvar, de son côté, après avoir laissé sa victime gisant déchiquetée, morte, au milieu d’une mare de ses propres sang et entrailles, approchait la femme par le flanc.

— Qui es-tu donc pour venir attaquer ainsi la demeure de Deudermont ? demanda le drow. Sans parler de tes compagnons peu fréquentables…

— Rends-moi la petite ! s’écria l’autre femme, qui ne pouvait être que Delly Curtie. (Toujours à terre, elle s’était redressée sur les coudes.) Par pitié ! Elle n’a rien fait.

— Silence ! rugit le bandit. (Il revint à Drizzt, tournant ostensiblement dans sa main la lame cruelle appuyée sur le cou de l’enfant.) Elle aura sa gamine vivante… quand j’aurai pu quitter cet endroit, que je serai libre.

— Tu négocies avec ce dont tu crois disposer, mais tu te trompes, nota l’elfe noir en faisant un pas en avant.

Le demi-ogre, entre-temps, était arrivé près de son chef. Il se mit à genoux à grand-peine, s’appuyant du bras contre le mur.

La femme lui accorda un regard, puis plongea d’un geste vif sa dague dans la gorge de la brute qui tomba en arrière dans un hoquet d’agonie.

Il s’agissait de toute évidence d’une combattante aguerrie : l’instant d’après, elle menaçait de nouveau l’enfant de sa lame. Le mouvement rapide avait arraché un cri à Delly. Drizzt et Guenhwyvar avaient voulu profiter de l’occasion pour se jeter sur l’assaillante, mais ils s’arrêtèrent net ; l’arme était revenue trop vite en place, et, sans nul doute, la guerrière n’hésiterait pas à s’en servir.

— Je ne pouvais pas l’emmener avec moi, ni le laisser derrière, avec sa grande gueule bavarde, commenta-t-elle tandis que le drow considérait le demi-ogre à terre.

— Pas plus que je ne peux te laisser l’enfant, compléta Drizzt.

— Tu peux, parce que tu n’as pas le choix ! Je m’en irai, ensuite j’enverrai un message pour dire où trouver la petite… indemne.

— Non. Tu rends l’enfant à sa mère et tu t’en vas. Tu ne reviens jamais.

La femme rit à cette idée.

— Ta copine la panthère me jetterait à terre avant que j’aie pu atteindre la rue ! objecta-t-elle.

— Je te donne ma parole, déclara l’elfe noir.

L’autre rit de nouveau.

— Je devrais croire sur parole un drow ?

— Et moi une voleuse, une meurtrière ? retourna Drizzt du tac au tac.

— Mais dis-toi que tu n’as pas le choix ! répéta la femme en approchant le bébé de sa figure. (Elle lui jeta un regard froid, étrange, et frotta le plat de sa lame d’avant en arrière contre le cou de Colson. Delly Curtie gémit, se couvrit le visage des mains.) Alors, le drow, comment comptes-tu m’arrêter ?

Au moment où ces mots quittaient ses lèvres, un trait pareil à un éclair bleu traversa la pièce, par-dessus la forme prostrée de la mère éplorée, évita la chair fragile de Colson et s’enfonça pile entre les deux yeux du brigand qu’elle cloua littéralement au mur.

Les bras de l’agonisante s’écartèrent par réflexe, agités de spasmes. Le bébé leur échappa.

Mais la petite ne tomba pas par terre : en entendant le bruit familier de la corde de l’arc, Drizzt avait plongé en avant et s’était relevé de sa roulade pour rattraper Colson juste devant le bandit vaincu. Le drow se mit debout, regarda la femme.

Elle était morte. Ses bras bougèrent encore un peu avant qu’elle reste flasque, fixée au mur par la flèche qui l’avait tuée. Elle ne percevait plus rien de ce monde.

— Comme ça, précisa tout de même Drizzt.

La Mer des Épées
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